LA SOIXANTAINE
I La soixantaine a poinçonné Mon billet pour le troisième âge, Pour ma jeunesse, l’heure a sonné De prendre la voie de garage. Je cherche la correspondance, Le train des lendemains qui chantent, Mais le brouillard est bien trop dense Et mon futur en salle d’attente…
Et quand leurs yeux d’octogénaires Dans mes yeux se mirent à loucher, Pris de stupeur, j’ai pris un air De jeune vierge effarouchée ; Vade retro, mamy fleur bleue, Petit’ vieille en mal d’amitié, Jambes à mon cou, j’ai quitté le Club de rami de mon quartier… |
Refrain Flottait dans l’air comme une odeur De sapin déjà raboté, Pas question d’choisir avant l’heure, Les planches qui devront m’emporter. |
II La soixantaine m’a invité Au bistrot des « vieux tamalous », Ella m’a servi, m’a fait goûter Un cocktail de fort mauvais goût. Un fond d’arthrose bien tassé, Un zeste de mémoire qui flanche, Et comme si c’n’était pas assez, Un doigt d’prostate pour mes nuits blanches. Et quand leurs mains d’octogénaires Ont frôlé mon bâton mon sac, Malgré le beau temps, le bon air, J’ai fui les chemins de Saint Jacques. Point d’grand-mère à la queue leu leu Sur mes talons, sur mon sentier, Jambes à mon cou, j’ai quitté le Club de rando de mon quartier. III La soixantaine m’a décerné Le titre de doyen, de sage ; Je ne me sens plus concerné Par les cris, les remue ménages. On me consulte, on me questionne, A mon bon sens, on fait appel, Tandis qu’autour d’moi papillonnent Des petits enfants à la pelle. Et quand son corps d’octogénaire A effleuré mon ventre mou, Sur ce tango bien ordinaire, J’ai senti fléchir mes genoux. Est-ce le regard en pente douce, La taille fine, le port altier, Mais depuis lors, souvent je pousse Les portes du bal de mon quartier.
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Refrain Flottait dans l’air comme une odeur De sapin déjà raboté Pas question d’choisir avant l’heure Les planches qui devront m’emporter.
Refrain
Flottait dans l'air comme une
odeur De champ de lavande en
été ; Autre parfum, nouvelle
ardeur, Pourquoi ne pas en profiter?
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